vendredi 18 mai 2012

6ème extrait,


Budapest, un marché dévalué


Budapest, contrairement à Berlin et Prague est une ville de 1,7 M d’habitants comptant 92 % de propriétaires juste devant la Slovénie! Pourtant en réduisant son programme de constructions de 200 000 nouveaux logements par an en 1981 à 33 000 en 1991 (1), l’Etat a laissé place au marché et à une spéculation rendant en 1988 le mètre carré à 40 000 forints (HUF), soit près de six fois le salaire net mensuel moyen (environ 7 000 forints HUF)!".

A partir des années 2000, l’évolution du marché immobilier s’orientant vers les quartiers centraux historiques de Budapest restés jusqu’alors hors des grandes transformations urbaines. Construits lors de la grande vague d’urbanisation de Budapest à la fin du XIXème siècle, les bâtiments de trois à quatre étages de ces arrondissements n’avaient pratiquement jamais été réhabilités. Quartiers de la petite et de la moyenne bourgeoisie jusqu’à la deuxième guerre mondiale, ils avaient été stigmatisés pendant la période socialiste. Les politiques urbaines de cette période les avaient laissés à l’abandon en faveur de la construction de nouveaux types d’habitat (dans des bâtiments préfabriqués). Les quartiers historiques devinrent ainsi des quartiers dégradés, habités par une population défavorisée. Après la transition, ces arrondissements perdirent une grande part de leur population et faute d’habitants aisés, la part des logements publics sociaux y resta la plus élevée de la ville. Le danger de la « ghettoisation » fut évoqué par les sociologues et les urbanistes au début des années 1990 mais aucune politique urbaine n’intervint pour « sauver » ces quartiers.


La gentrification des années récentes



Au final et dès la fin des années 90, ce processus prit fin avec le départ de la population originaire et la disparition des services traditionnels au profit du phénomène de « gentrification » (embourgeoisement) de l’ensemble de ces quartiers. La spéculation se renforca dans le cadre d’un système administratif très morcelé.


Budapest est divisée en 23 arrondissements, chacun géré par une collectivité locale autonome, aux compétences identiques à celles des communes. De son côté, la municipalité centrale de Budapest a la responsabilité des tâches concernant l’ensemble de la ville et le territoire de plusieurs arrondissements, les deux niveaux n’étant pas en relation hiérarchique. En termes d’urbanisme, les arrondissements ont obtenu des compétences majeures: l’attribution des permis de construire d’une part et la décision sur les Plans Locaux d’Urbanisme d’autre part, la municipalité pouvant énoncer des stratégies générales, et des règles à titre seulement d’avis. Ce système morcelé domina la gestion de Budapest conduisant presque à l’impossibilité de la mise en oeuvre d’une politique urbaine intégrée et cohérente sur l’ensemble de la ville et favorisant de facto un renchérissement de l’immobilier.


Cette spéculation fut le résultat du processus de privatisation des logements, accéléré après la transition politique. La Hongrie, cas singulier parmi les pays post - socialistes refusa toute restitution aux personnes des biens immobiliers urbains (logements ou immeubles), et opta pour la privatisation par vente aux locataires occupants. Ainsi la loi de 1993 sur le logement rendit obligatoire à toutes les municipalités de vendre, à un prix fixé, les logements publics aux occupants qui en exprimaient le souhait. La privatisation des logements atteignit son sommet en 1994 et permit à presque la totalité des logements d’être en propriété privée. Par ailleurs cette absence de politique publique se renforça par le soutient de l’État à la construction neuve par des bonifications d’intérêt de prêts.


Le renouvellement urbain dépendit fortement de l’intervention des capitaux privés. L’intérêt accru porté par les investisseurs, depuis les années 2000, aux quartiers historiques étendit les marges de manoeuvre des municipalités des arrondissements concernés.

1) Le Monde 1992

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